Les phéromones, ou le langage des abeilles

 

On ne se lassera jamais de dire que la cohésion sociale des abeilles est un modèle d’exception. Une harmonie absolue rendue possible grâce à une communication très élaborée.

Comment l’abeille communique-t-elle ?

Chez l’Apis Mellifera, on compte une dizaine de glandes principalement situées au niveau de l’abdomen et de la tête. Ces glandes, délivrent une multitude d’odeurs. Ces odeurs appelées phéromones, transmettent une information. Ces signaux phéromonaux aussi multiples qu’ils soient, donneront des informations très précises afin d’assurer la cohésion de la colonie.

La transmission des informations se fait par :

  • contact direct de bouche à bouche (trophallaxie) ou

  • par réception olfactive (au niveau des antennes).

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L'organisation de la ruche provient de toutes ces sécrétions chimiques. Une odeur = une consigne

Peu importe l’âge, ou la fonction occupée. Les membres de la colonie qu’ils soient reine, ouvrières, faux bourdons ou même couvain, tous sans exception se serviront de ces substances chimiques pour faire passer un message.

Toutes ces substances à base de phéromones qui déterminent les comportements au sein de la colonie, se divisent en deux catégories les incitatrices et les modificatrices.

  • les phéromones incitatrices agissent sur le comportement de l’abeille avec un effet à court terme (message d’alerte, d’attaque…)
  • les phéromones modificatrices agissent sur la physiologie de l’abeille et ont un effet à plus long terme ( passer de nettoyeuse à nourrice, de nourrice à cirière…. Jusqu’à devenir butineuse).

Voici quelques exemples parmi tant d’autres de ces messages chimiques indispensables à la cohésion et à la sauvegarde d’une colonie :

  • L’attaque
  • La reconnaissance entre individus
  • La répartition des tâches
  • La diffusion des alarmes
  • Les signaux d’essaimage, de remérage
  • L’emplacement et la quantité des sources de nourriture (eau, propolis, nectar)
  • Lieu possible pour l’implantation d’un essaim
  • Lieu de rassemblement des mâles…..

Les phéromones du couvain

Les larves du couvain dont la survie dépend à 100% de l’intervention des ouvrières, vont produire une hormone qui indiquera aux ouvrières les besoins spécifiques en nourritures dont elles ont besoin pour optimiser leurs développements tout au long de leur cycle.

 


Les phéromones de la reine

Bien que tous les individus d’une colonie émettent des phéromones, il est sage de convenir que celles de son altesse royale sont indéniablement les plus importantes.

Les phéromones royales jouent un rôle primordial dans la cohésion de la colonie. La reine les utilise à bon escient pour réguler l’homéostasie et le développement de la colonie.

Ce sont principalement les phéromones mandibulaires de la reine (QMP=Queen Mandibular Pheromone) composées de plusieurs molécules chimiques qui sont à l’origine de plusieurs phénomènes comme :

  • Le blocage du développement ovarien des ouvrières.
  • L’attraction des mâles pour se faire feconder.
  • L’attraction de jeunes ouvrières pour la nourrir et prendre soin d’elle. Ces jeunes abeilles qui se mélangeront au reste de la colonie, indiqueront par l’odeur (qu’elles ont sur elles), la présence de la reine.
  • La QMP joue un rôle dans la construction des cellules. Selon le message reçu, les alvéoles construites par les bâtisseuses serviront à accueillir soit des provisions et du couvain d’ouvrières, soit, construites plus larges du couvain mâle, soit, plus longue et plus volumineuse des cellules royales.

L’âge de la reine à un impact sur la diffusion des phéromones inhibitrices qui s’amenuisent avec les années. Tout comme la disparition brutale de celle-ci. Ces phénomènes conduiront les abeilles de la ruche, à élever une nouvelle reine.

Ce remplacement prévu, se fera avec la construction de cellules royales dite de type supersédure.

Ce sont généralement des cellules avec une taille volumineuse. Elles ne sont pas nombreuses. Parfois même une seule dans la ruche.

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Pour pallier à la disparition soudaine d’une reine et de fait à la disparition des phéromones royales. La colonie se lancera dans la construction de nombreuses cellules royales. Ce remplacement imprévu se fera à partir de cellules d’ouvrières qui seront rallongées, appelées cellules de sauveté. Plus petites et plus nombreuses (parfois une vingtaine par colonie)

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9 cellules de sauveté déjà formées
sur une seule face de cadre

Privée de couvain frais et de substance royale inhibitrice, certaines abeilles vont développer leurs ovaires et se mettre à pondre des œufs stériles qui ne donneront naissance qu’à des faux bourdons. L’apiculteur aura une ruche bourdonneuse, essentiellement constitué de couvain de faux bourdons. En examinant de plus près on pourra apercevoir la présence de plusieurs œufs dans une même cellule.

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Cadre issu d'une ruche boudonneuse
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Cellules avec plusieurs oeufs

Les phéromones les plus importantes chez les ouvrières

La phéromone d'alarme

  • Comment :  La phéromone d’alarme est secrétée par les glandes mandibulaires des ouvrières

                      La 2-heptanone CH3 CO (CH2)4 CH3.

  • Pourquoi :  Pour provoquer une réaction d’alerte immédiate, de courte durée au sein de la colonie, mais

                   aussi pour indiquer le chemin aux ouvrières qui font leurs premiers vols de reconnaissance.

  • Exemples : La présence d’un intrus à proximité de la ruche.

                    Une abeille agressée.

                    Des sons, des vibrations.

                   Des odeurs corporelles (parfums, vernis, déodorants, transpiration).

La phéromone d’attaque

  • Comment :  La phéromone d’attaque est secrétée par des cellules bordant la poche à venin. L’acétate d’isoamyle (CH3)2 CH CH2 CH2 OCO CH3.

                      Contrairement à la reine, l'ouvrière meurt après avoir enfoncé le dard. Ne pouvant se dégager elle déchire son abdomen. L'abeille meurt pour son territoire. Mais l’extrémité qui reste planté continue la diffusion du signal d’attaque ce qui a conséquence de rendre les autres abeilles plus agressives et de les inciter à piquer.

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  • Pourquoi : Pour protéger la colonie et sa reine.
  • Exemples : L’attaque est possible si des gestes brusques sont exécutés à proximité.

La phéromone de marquage

  • Comment : La phéromone de marquage est secrétée par la glande d’Arnhart situé à l’extrémité des pattes.

                       L’epagine ETA.

  • Pourquoi :   Sur chaque fleurs visitées la butineuse laissera des traces olfactives de son passage. La butineuse suivante qui viendra à son tour sur cette même fleur détectera l’odeur laissée par la butineuse précédente lui signalant que la fleur à déjà été visitée et qu’il lui faut passer à une autre sans perdre de temps. Si l’odeur c’est estompée, cela veut dire que la fleur n'a pas été butinée depuis longtemps et qu'il faudrait mieux vérifier.

La phéromone de rappel

    • Comment : Grâce à la glande de Nasonov située à l’extrémité de l’abdomen, sur le dos, entre l’avant-dernier et le dernier segment. Un parfum est sécrété par des glandes microscopiques. Associé à des battements d’ailes (battements de rappel), l’effluve de la glande se propage.

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Battement de rappel
  • Pourquoi : Pour indiquer aux jeunes abeilles inexpérimentées le chemin pour retourner à leur ruche. Ou pour celles qui seraient malencontreusement tombées sur le sol pendant la manipulation des cadres par un apiculteur.

La phéromone l'EO (Ethyl Oléate), produite par les butineuses.

Très récemment, une étude menée par Yves Le Conte et de ses collègues (en 1998), a permis d’identifié une nouvelle phéromone modificatrice, l'EO (Ethyl Oléate), produite par les butineuses (les abeilles les plus âgées). L'EO est transmise par la trophallaxie.

Cette recherche a démontré que cette phéromone joue un rôle majeur dans la maturation du comportement des plus jeunes abeilles : elle agit comme un bloqueur chimique qui retarde l'âge du butinage. Le comportement des plus jeunes sera modifié pour répondre à des changements. 

Par exemple :

  • Si les butineuses sont pour une quelconque raison confinées dans la ruche (neige, pluies à répétition empêchant le butinage…), le développement des plus jeunes abeilles sera retardé par l'action de cette phéromone.
  • Par contre, si la colonie manque de butineuses, les plus jeunes commenceront à butiner jusqu'à 2 semaines plus tôt.